Inspiration BD pour jeu de rôle (JDR) – Xoco

Xoco -1- Papillon obsidienne

Xoco – Papillon Obsidienne – 1ère édition – Vents d’Ouest – collection Gibier de potence – Octobre 1994 – Ledroit – Mosdi

Fin 1994 : Je suis avec mes potes dans une célèbre boutique spécialisée du Vieux Tours (Bédélire). Dans l’endroit bondé, en ce week-end d’octobre, notre regard est immédiatement attiré par un bandeau racoleur sur une couverture sombre « par le dessinateur des chroniques de la lune noire et le scénariste de l’Ile des morts » (Deux références à l’époque pour les « nerds » amateurs de JDR).

Il me revient le choc visuel, le sentiment qu’enfin le contenu est fidèle à la couverture (ce n’était clairement pas toujours le cas à l’époque). Aussi, je me suis immédiatement dit que je voyais enfin les années folles dans leur prisme sombre et lovecraftien, comme une mise en image en technicolor de nos bouquins en noir et blanc.

Puis, le patron des lieux nous annonce que c’est notre chance, l’illustrateur vient en séance de dédicace. Je ne sais plus trop si nous sommes restés le jour même ou si nous sommes spécialement revenus, mais me revient en mémoire le souvenir d’une longue attente pour espérer un croquis dans le pub attenant à la librairie. Je me rappelle également que nous avions des tickets signifiant notre ordre de passage. J’attendais, désespéré, avec mes camarades, réalisant que le talentueux auteur faisait méticuleusement chaque dédicace à l’encre de Chine.

Je me souviens de ces dessins incroyables en train de sécher sur la bord du billard trônant dans le fond de la taverne enfumée et de la prise de conscience que le temps pris pour ces peintures n’était pas compatible avec mes horaires de train. C’était d’une beauté renversante. Il me revient également le souvenir vivace d’Olivier Ledroit, discutant avec une grande franchise avec les fans présents et n’hésitant à dire tout l’épuisement représenté par la réalisation de cet album.

Rattrapé par le temps, mon exemplaire est resté vierge et aujourd’hui encore, cette œuvre a une place particulière pour moi. Mais au delà de ces considérations, parlons de l’objet.

Une œuvre dont vous ne sortirez pas indemne

Les inspirations à tirer du récit et de ses protagonistes

En automne 1931, à New York, un meurtrier faire rage dans les rues pluvieuses de Brooklyn.

Un inspecteur expérimenté est en charge de l’enquête sur ses meurtres macabres. Pendant ce temps, un indien aux capacités mystiques semble être venu dans la cité pour suivre la même piste. Enfin, une jeune femme, qui a repris l’échoppe d’antiquité de son père décédé quelques années plus tôt, semble reconnaître l’arme du crime. Les histoires des trois protagonistes vont inexorablement se croiser dans ce récit urbain et fantastique.

Rapidement, on se laisse embarquer au cœur de cette intrigue qu’on imagine tragique, happés littéralement par la composition frisant la perfection entre scénario et mise en images.

Bien sûr, le rôliste abouti pourrait facilement en deviner les tenants et aboutissants, pourtant j’y ai vu un clin d’œil complice aux parties de JDR jouées à la bougie lors de venteuses soirées hivernales. En effet, tels les meilleurs scénarios jouées autour de nos tables, une sombre entité guette inexorablement les faibles investigateurs.

Si vous acceptez d’arpenter ce sombre récit, réservé à un public averti, au delà de l’histoire, vous trouverez également de l’inspiration dans les figures qui peuplent Xoco. Ce sont autant de personnages dont vous pourrez tirer le meilleur, ne serait qu’avec un visage, une attitude, quelques phrases, du légiste au paléontologue, en passant par les figures de flics ou les principaux acteurs.

Un visuel directement exploitable

Sur la forme, il faut admettre que le travail effectué par les deux réalisateurs est incroyable.

Le découpage est cinématographique, alternant entre phases contemplatives et dynamiques. On voit clairement que chaque case a été minutieusement peaufinée pour s’accorder à l’ensemble. Il nous semble voir sur cette première édition les cases découpées à la main et posées pour venir se caler au service du récit.

Parfois, les codes sont cassés avec des cases qui viennent littéralement exploser pour mieux nous plonger dans l’action.

Le soin apporté à la lumière et aux couleurs, le détail de certains décors urbains sont inimitables. Il est même certains éléments qui pourraient échapper au regard d’une première lecture.

Comme moi, vous vous surprendrez peut être à contempler avec fascination un immeuble posé au coin d’une page.

Si vous êtes maitre de jeu (MJ), vous pourrez facilement y trouver des illustrations pour mieux mettre en valeur vos descriptions.

L’utilisation même des pages de garde est étonnante avec compte-rendus d’autopsie en début d’album et fac-similé de parchemin en fin. Clairement, on a l’impression d’avoir sous la main les aides de jeu qui accompagnent un scenario clé en main.

Même en le relisant des années après ma découverte, je n’ai pas pu lâcher ce premier opus, qui me semble au dessus des suivants, par son originalité et sa recherche de narration graphique absolue.

On est devant une œuvre inspirée de Lovecraft et de ses ersatz rôlistes mais qui, par sa qualité, va nourrir l’imaginaire des joueurs et scénaristes, comme une mise en abime cthulienne. C’est une ode au JDR et à mes soirées d’étudiant passées à peaufiner des récits ou à incarner un certain Kenneth Applewood, antiquaire maladroit et malingre mais inébranlable face aux horreurs cosmiques. Bref, à mes yeux, c’est un must have pour les MJ de JDR contemporains et horrifiques.

Une réflexion sur “Inspiration BD pour jeu de rôle (JDR) – Xoco

  1. Olrik 27 juin 2021 / 19 h 01 min

    Très vague souvenir de cette BD et de ta mésaventure à Bédélire. Tu as dû me la raconter mais je ne crois pas que j’étais présent.

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